Laurent "Merlito" Boudin

Chansons argentines

C A paroles

Tango ballades argentines – paroles

 

 

 

EL DIA QUE ME QUIERAS 1935 Alfredo Le Pera / Carlos Gardel

LE JOUR OÙ TU M’AIMERAS Adaptation Laurent Boudin

J’ai caressé le rêve de ton suave murmure qui me soupirait :

« ah, quelle vie de cerise si tes deux yeux noirauds se posaient sur les miens. »

Et si je porte l’armure, mets ton rouge à lèvre et déchante la moi.

Ta bluette me déridera, tout, tout doux se dissipera.

 

Le jour où tu m’aimeras, la rose que j’appelais Nada

éblouira mes siestes dans ses draps de gala.

Le vent dans les campagnes transportera ta voix.

La folie des fontaines chantera avec toi.

La nuit où tu m’aimeras, depuis l’azur du ciel noir,

les étoiles cellulosa miroiteront pour toi.

Un rayon mystérieux nichera dans tes cheveux,

les lucioles curieuses éclaireront nos fronts, ma Consuela.

 

Le jour où tu m’aimeras, nous entendrons cette harmonie là :

la clarté de l’aurore et la source brillante

traceront en brise glace une rumeur de mélodie.

Et toujours les fontaines trinqueront de cristal.

Le jour où tu m’aimeras, nos chants accordés de moineaux

piafferont la vie fleurissante, la douleur évaporée.

 

DESPUES 1944 Homero Manzi / Hugo Gutiérrez

APRÈS Adaptation Laurent Boudin

Après, la lune en sang, ton émotion

et l’avant goût du terminus en un obscur cumulus.

Ensuite, irrémédiable-vraiment, tes yeux

tellement absents se noieront sans douleur.


Et après, la nuit énorme dans un crystal,

et ta fatigue de surnager et ma volonté de valser.

Ensuite, ta peau comme la neige,

et dans une absence menue, ton adieu pâlichon.


tout me revient en mémoire :

ta peine et ton silence, ton angoisse et ta dent creuse.

Tout s’abime dans le passé :

ton nom tant répété… Tes doutes et ton asthénie.

L’ombre plus forte que la sulfateuse,

un cri lancé aux oubliettes.

Allure qui relève du fiasco,

chanson réduite en miettes qui reste pourtant chanson.


Après, viendra l’oubli ou ne viendra pas.

Et mentir juste pour plaisanter et mentir juste pour pleurer.

Fantôme lourdingue de l’ancien temps

dansant et tout le tremblement, qui sait, pour oublier.

 

Et après, dans le silence de ta voix,

un accent vif de solitude qui hurlera pour exister,

comme s’il fuyait un souvenir

en se repentissant pour pouvoir trépasser.

 

MI BUENOS AIRES QUERIDO 1934 Alfredo Le Pera / Carlos Gardel

MA BUENOS AIRES Adaptation Laurent Boudin

Ma Buenos Aires querido
quand donc oserais-je te revoir ?
Sans drama, ni tracas … Ni oubli.

 

Les lampadaires de la rue où je naquis
dressés comme une sentinelle de promesses d’amour.
Sous cette inquiète et douce combustion je la vis,
mon antitala, lumineuse comme toujours.

Aujourd’hui la chance veut que je te voies enfin,
cité portuaire de mon unique amour en fer.
J’entends la plainte d’un bandonéon,
dans ma poitrine mon cœur réclame que je lâche bride.

 

Ma Buenos Aires,
terre fleurie où je vais terminer ma vie.
Sous ta protection, nulle déception.
Filent les années et s’oublie l’âpreté.
En caravane les souvenirs déambulent
dans un sillage si doux en émotions.
Tu sauras qu’à cette évocation
crève-cœur prend ses cliques et sanglot long, ses claques.

 

La petite fenêtre d’une rue de mon quartier
d’où m’a souri cette jeune demoiselle en fleur,
je veux de nouveau revenir les contempler,
ces yeux que j’aimerais tellement toucher du regard.
Dans une balafre encore crapuleuse, une chanson
dit vos prières de courage et de passion.
Une promesse et un soupir
ont essuyé les peines de cœur du chanteur.

 

A LA LUZ DEL CANDIL 1927 Julio Navarrine / Carlos Vicente Geroni Flores

MONSIEUR LE COMMISSAIRE Adaptation Laurent Boudin

Me donnes tu ta permission, Monsieur le commissaire ?

Je m’excuse si je viens si loqueteux et bancal,

je suis un pov’ bledman débarquant à Rosario.

Bourlinguant jusqu’ici dans ma poisse tripale.

Peut être vous pensez je ne suis qu’un vulgaire clodo,

je suis un honnête gaucho même si j’ai les mains sales.

Je ne suis pas un bourracho ni Zun voleur de ch’val.

Monsieur le commissaire, je suis un criminel.

 

Arrêtez moi, Sergent, et passez moi les cadenas,

si je suis un assassin Dieu me pardonnera.

 

J’étais un bon créole, mon blaze : Alberto Arenas.

Senor, ils m’ont trahi, je les ai buté tous les deux.

Ma femme, le mal évadé, mon pote une crape abrutie.

À peine le dos tourné, les cornes et le fiel.

La preuve de l’infamie je la traine dans cette mallette :

les tresses de ma femme, Gina, et le coeur pourri de lui.

Levez vous donc sergent je ne résist’rai pas.

Je voudrais qu’ils pigent tous la vérité si cruelle :

la nuit était noirâtre et tombait dans la gueule du loup.

Témoin, tout juste la douce lueur d’une chandelle.

Total, quasi que dalle, un baiser un peu sombre ;

deux corps ont trébuché, et une madéliction.

Et là, Monsieur le commissaire, ça n’te surprendra pas,

j’ai rencontré deux fourreaux pour mon coutelas.

 

Arrêtez moi, Sergent, et passez moi les cadenas,

si je suis un assassin, Dieu me pardonnera. Ou pas…

 

CONFESION 1930 E. Santos Discépolo, Luis César Amadori / E. Santos Discépolo

CONFESSION Adaptation Laurent Boudin

La conscience pure je perdis ton amour.

Je n’fis ça que pour te sauver.

Tu me hais, j’en suis gai

mais je me cache pour te pleurer.

Le tendre souvenir que tu auras

est un oursin creux.

Tu n’sais de moi que la châtaigne

et le bleu mauve.

Et je transpire tant la générosité

que je paye ainsi ton grand amour.

 

Soleil de ma vie,

je suis un abreuvoir à mouches.

Et dans mon agonie

j’ai refusé ton bouche à bouche,

parce que je t’aimais tellement,

tellement, que dans ma bonté

pour te sauvegarder

j’ai juste pu me faire détester.

 

Après une année atroce

je te vis passer.

J’me mordis pour ne pas t’appeler.

Tu brillais comme un astre,

on bercillait pour t’admirer.

Je n’sais si celui qui te tient au bras

est digne ton ombre.

Je sais seulement la tulipe noire

que je t’offris.

Et je me voilà rassuré de te voir si radieuse.

Tu vivras mieux bien loin de moi.

 

MIS FLORES NEGRAS 1933 Julio Florez / Felix Scolati Almeyda

MES FLEURS NOIRES Adaptation Laurent Boudin

Hey, sous les lourdes ruines de mes passions

et au fond de mon âme qui n’est plus heureuse,

entre les poussières de rêves et les illusions,

engourdies, se développent et pleurent mes fleurs noires.

Elles sont ma douleur de crapaud imbibé

avec d’intenses chagrins au fond de mes entrailles ;

racines de mes fougères fossiles enterrées

dans les humides crevasses de la montagne.

 

Elles sont tes moqueries et ta dureté.

Elles sont tes phrases perfides et tes dérapages.

Elles sont tes baisers vibrants et torrides

qui s’envolent en tornades de pétales noirs et froids.

Elles sont le souvenir des heures aquarelles

où emprisonnée dans mes bras tu t’endormais paisible,

pendant que je soupirais jusqu’aux aurores

de tes yeux aurores qui ne me voyaient pas.

 

Elles sont mes gémissements et mes reproches

occultés dans cette âme sans allégresse.

Sont le pourquoi de tant de noirceur comme les nuits

gelées de l’Antarctique, tout comme mes fleurs noires.

Garde donc cette triste et débile poignée

que je t’offris, ces fleurs sombres parmi les ombres.

Garde les, ne crains rien, c’est un bon compost

pour le jardin englouti de mes profondes mélancolies.

 

DOS GARDENIAS 1945 Isolina Carrillo

DEUX GARDENIAS Adaptation Laurent Boudin

Deux gardenias pour te dire

« écoutes bien leur soupir

je te veux, je t’adores, ma vie, toi ».

Prèt’ leur tout’ ton attention

il y a nos deux coeur, au fond. Crois moi, toi.

Deux gardénias pour te dire

qu’elle est tendre la chaleur d’un baiser.

Ce baiser qui te disait

jamais tu ne me retrouv’ ras

dans la chaleur d’un autre que moi.

 

À côté de toi, vibrant et murmurant

comme quand tu es là près de moi,

tu entendras

qu’ils disent tout bas, je t’aime, toi.

Mais si après le dessert

les gardénias de mon amour semblent amères,

c’est parce qu’ils auront senti

que ton amour a disparu.

Tu t’es piqué d’un autre ami.

C’est parce qu’ils auront senti

que ton amour a disparu.

Tu as piétiné ce bouquet.

 

POR UNA CABEZA1935 Alfredo le Pera / Carlos Gardel

POUR UN SIMPLE BAISER Adaptation Laurent Boudin

Pour la courte tête d’une jeune pouliche

qui se fait dépasser sur la ligne d’arrivée.

Et qui en rentrant semble bien te dire

« n’oublies pas mon frère tu savais qu’il ne faut pas jouer ».

De la courte tête, abandonné du jour

par cette femme coquette et gaie qui lorsqu’elle jure

en me souriant qu’elle m’aime et qu’elle me ment

brûle tout mon amour dans un grand feu de joie.

 

Pour un simple baiser je ferai des folies.

Sa bouche qui m’embrasse efface la tristesse,

apaise l’amertume. Pour un simple baiser

si après elle m’oublie que m’importe de perdre

ma vie dix mille fois, l’instant m’aura suffit.

 

Que de désenchantements, d’une belle tête

j’ai juré mille fois je n’insisterais pas.

Mais si par un regard elle me frappe au passage

sur sa bouche de feu je poserais un bécot d’amour.

Trêve de compétitions la partie est finie

je ne rejouerais plus on ne m’y reprendra pas.

Mais si un dimanche une pouliche se présente

je me joue tout entier que puis je faire d’autre ?

 

MALENA 1941 Homero Manzi / Lucio Demare. Adaptation Laurent Boudin

Malena chante le tango comme personne,

et chaque mot dans sa bouche est soufflé par son coeur.

Sa voix a le parfum des herbes des faubourgs.

Malena tire sa tristesse du bandonéon.

Peut être dans son enfance sa douce voix de pinson

a pris cette sombre allée et fêlé son grelot ?

Ou c’est une romance perdue qui étincelle

quand son bourdon décolle escorté par Picole.

Malena chante le tango de sa voix ombrante,

Malena tire sa tristesse du bandonéon.

 

Ta chanson

a le froid de l’ultime secousse.

Ta chanson

est amère comme les souvenirs de sel.

Je ne sais

si ta voix a la fraicheur du chagrin.

Je n’connais que l’ondée de ton tango, Malena.

Et je sens ta bonté

qui souffle sur ma crasse.

 

Tes chasses sont obscurs comme l’oubli est certain,

et tes lèvres glacées, calcinées d’injustice.

Tes mains sont deux colombes qui sentent le frigo

et tes veines charrient bandonéon sanglant.

Tes tangos sont des créatures abandonnées

qui fendent les flots de boue de tes sentiers gamins.

Quand toutes les portes sont au crépuscule grinçant,

que des fantômes aphones s’égosillent en ton sein.

Malena chante le tango de sa voix brisée.

Malena porte la tristesse du bandoneon.

 

VIENTO MALO 1944 José María Suñé / Miguel Nijensohn, José Nieso

VENT MALIN Adaptation Laurent Boudin

Si une voix du passé

se réveille en ton sein,

ne l’écartes pas de ton coeur,

que cette voix se fasse l’écho

en la mineur de mes mots doux.

Elle te dira que son timbre

sonne encore mon béguin,

qu’il n’y a nulle part Caroline

hormis au creux de ton oreille

où je dépose ma chanson.

 

C’était un rêve qui chantait en nous deux,

c’était un tendre baiser par la voix,

c’était l’ange que la destinée

nous présentait sur un nuage.

Mais il advint qu’un vent malin

soufflant tant, tant soufflant…

Éreinta sans un remords

la chanson des vieux amants,

dispersant ses lettres d’or.

 

Si cette voix du passé

qui roucoule t’a bercée,

pour triompher du vent malin

qui nous a tellement abimé

et dos adossé l’un à l’autre,

on chantera la commissure,

le retour du désir.

Et nous construirons notre nid

en oubliant qu’un vent malin

a détendu nos vieux machins.

 

CUANDO UN VIEJO SE ENAMORA 1942 Manuel Romero / Rodolfo Sciammarella

QUAND UN VIEILLARD S’ENAMOURE Adaptation Laurent Boudin

Quand un vieillard s’énamoure

allez, le pauvre type fait sensation,

du goudron sur les moustaches,

la tignasse enteinturée.

Quand un vieillard s’amourache

allez, il y va tout excité,

mais la dame s’empourpra pas.

Il s’est pris pour un apache

mais est tout encorseté.

 

En revenant de son rencard

triomphant de son aventure osée,

il s’écroule dans son petit lit,

il avale bien ses pilules

et s’applique les ventouses.

S’expose pas aux courants d’air ;

il a peur de la grippe aviaire.

Et s’il danse une conga,

un foxtrot, une milonga,

il finira disloqué.

 

Quand un vieillard s’énamoure

il se prend les pieds dans la carpette.

Y’a qu’à voir son ridicule

quand arrive sa gigolette.

Face à celle qui l’ensorcelle

il chope des bulles, des palpitations.

Et s’il lâche pas un sourire

c’est par peur que son dentier

se détache de sa vieille tronche.

 

MILONGA TRISTE 1936 Homero Manzi / Sebastian Piana.

Adaptation Laurent Boudin

Tu marchais sur le sentier,

tablier et tresses détachées.

Tes yeux noirs scintillaient

dans la clarté de la lune bouffie.

Mes lèvres t’ont blessée

quand j’ai baisé ta bouche fleurie.

Ta main m’a disgraciée

mais ton absence m’a juste détruit. Ay


Je reviens par les blancs chemins.

Je reviens sans avancer.

J’ai crié d’un cri inhumain,

chanté sans savoir chanter.


Tes yeux noirs sont fermés

et ton visage blanchi.

Nous portons ton silence

au boucan des carillons.

La lune est tombée à l’eau.

Son reflet m’a frappé au sein.

Les cordes de cent guitares

ont tressé mes regrets certains. Ay


Je reviens par les vieux chemins.

Je reviens sans avancer.

J’ai crié ton nom défunt,

prié sans savoir prier.


Tristesse d’avoir aimé

ta rougeur sur ce sentier.

Tristesse des chemins

qui ne te reverront plus.

Silence du cimetière.

Solitude des étoiles.

Souvenirs qui me déchirent,

tablier et tresses noires. Ay


Je reviens par les morts chemins.

Je reviens sans avancer.

J’ai crié ton nom bénin,

pleuré sans savoir pleurer.